En cette reprise printanière d’Ekstraklasa, Michał Probierz (coach du KS Cracovia) visiblement lassé de voir son équipe jouer semaine après semaine dans des stades vides y est allé de sa petite déclaration et a balancé dans son style bien à lui, franc et honnête : « Serce krwawi, bo jesteśmy narodem, który nie interesuje się piłką » qui pourrait se traduire par « Mon cœur saigne car nous sommes une nation qui ne s’intéresse pas au football. » Et on le comprend Probierz, il faut dire que son équipe évolue dans un beau petit stade qui peut accueillir 15 016 spectateurs par match or, depuis le début de saison, le KS Cracovia joue à domicile, devant en moyenne … 4805 spectateurs. On peut donc abonder dans le sens de Probierz et dire qu’effectivement la Pologne n’est pas un pays de football et passer en revue quelques éléments d’explications. Tout d’abord, comme le souligne l’entraîneur de Cracovia, l’absence d’un public fidèle dans les stades. Ensuite le fait que la Pologne ne soit pas un grand pays exportateur de joueurs à l’image de pays de foot pourtant (beaucoup) moins peuplés comme les Pays-bas, la Croatie ou la Serbie. Le retard dans la formation et la difficulté à trouver des jeunes talents est aussi signe que la Pologne n’est pas une terre propice au foot. Enfin, les pays de foot ont des palmarès, des titres, des épopées européennes ou des titres internationaux. En Pologne, rien de tout ça…
Affluences minables et stades vides
Ces dernières années, on se réjouissait de la hausse du nombre de spectateurs dans les stades polonais mais ce n’était qu’une conséquence de l’agrandissement et de la modernisation des enceintes pour l’Euro 2012. Cette année, si la Ligue 1 Conforama est ‘la ligue des talents’ l’Ekstraklasa est la ‘ligue des stades vides’. Très loin de l’engouement présent dans les stades anglais, allemands ou français, la moyenne de spectateurs par matchs pour cette saison en Ekstraklasa est d’environ 10 000 spectateurs (9 927 si l’on prend la journée de championnat disputée le week-end dernier). On ne va pas se mentir, ces chiffres sont largement ‘boostés’ par le Legia qui continue de jouer à domicile devant plus de 17 000 spectateurs en moyenne, le Lech Poznan et sa moyenne de plus de 11 000 et au regain d’intérêt pour le Wisla Krakow qui joue devant près de 14 000 supporters au Stadion Henryk Reyman. Les affluences des trois clubs sont donc ‘l’arbre qui cache la (triste) forêt’ du championnat polonais…
Inutile d’aller voir les affluences des divisions inférieures, c’est pire. Si en France, la Ligue 2 attire en moyenne 8130 spectateurs par match (merci au RC Lens et son 25 000 spectateurs de moyenne depuis le début de saison…) en Pologne, la Liga I attire elle, en moyenne, à peine plus de 1000 spectateurs par matchs… Pire, il y a souvent moins de 500 personnes dans les tribunes pour les matchs de Liga I. Le 17 novembre dernier, juste avant la trêve, le match entre Rybnik et le Gryf Wejherowo se jouait devant … 150 spectateurs. Le 1er février, le match entre le Blekitni Stargard et le Zncicz Pruskow se déroulait devant 115 spectateurs… Une exception tout de même (ou encore un ‘arbre qui cache la forêt’), le Widzew Lodz en II Liga (équivalent du National français) qui joue cette saison à domicile devant en moyenne, 17 023 spectateurs …
Des ultras…
Le mouvement ultra est toujours bien présent dans les tribunes. S’il les remplit un peu plus, on se demande aussi s’il ne contribue pas parfois à les vider… Si les clubs ont de longues histoires souvent liées à celle tumultueuse du pays, il est bon de noter que certains groupes ultras qui remplissent (sic) les tribunes des clubs d’Ekstraklasa sont aussi (surtout ?) présents pour exercer pour ne pas dire exacerber leur virilité, leur patriotisme et leur nationalisme. De récents sondages sur les intentions de vote des supporters de clubs de foot polonais aux prochaines élections européennes montraient très bien que leurs votes penchaient sans surprise à l’extrême droite de l’échiquier politique. Ne pas avoir réussi à faire du football et du championnat polonais un spectacle grand public et familial, c’est LE plus gros échec post-Euro 2012. Les stades polonais restent (encore) trop souvent le territoire des hommes (souvent bourrus à crânes rasés… ) et le fait de ne pas avoir un public plus large ne contribue pas à considérer la Pologne comme pays de foot… En Angleterre, le match de foot est une véritable affaire de famille chaque week-end. En Argentine ou au Brésil, tout le monde se mêle du foot. Les publics sont divers et diversifiés ce qui n’est toujours pas le cas en Pologne (et ce n’est pas la faute aux clubs d’Ekstraklasa qui multiplient les offres et tarifs « familles » dans les tribunes.)
Peu de formation et d’exportation des joueurs polonais
La Pologne n’est pas une terre de football à un autre titre, à l’inverse de l’Argentine, du Brésil ou des Pays-Bas, elle ne forme pas assez de joueurs, du moins, pas assez de joueurs de qualité. Et pour cause, le nerf de la guerre du football moderne c’est l’argent or dès qu’un jeune flambe un peu, il est très vite vendu à un club étranger à l’affût. C’est le cas cette année pour Sadlocha (passé au RC Lens) et pour Bogusz (qui s’est engagé cet hiver avec Leeds). Ce fut le cas pour Milik parti en Allemagne lorsqu’il avait 18 ans, pour Piotr Zielinski arrivé à l’Udinese à l’âge de 17 ans, Glik qui a quitté la Pologne pour l’Espagne au même âge et mariusz Stepinski lui aussi exilé avant sa formation terminée. Si ces dernières années, les clubs polonais semblaient avoir fait de gros progrès dans ce domaine (classe biberon du Lech Poznan) force est de constater que les joueurs formés quittent rarement le championnat national en fin de formation et les joueurs polonais s’exportent toujours aussi mal. Bien sur, il y a les exceptions (encore les ‘arbres qui cachent la fôret’) Lewandowski et Piszczek en Allemagne et les ‘Italiens’ (Teodorczyk, Stepinski, Zielinski, Milik, Salamon, Szczesny, Reca, Bereszynski, Linetty, Piatek) mais il y a aussi et surtout ceux qui se sont brûlés les ailes : Bartosz Kapustka et les ‘Français’ (Lewczuk, Rafal Kurzawa) ou ceux qui auraient pu avoir une autre carrière comme Rybus, Grosicki ou Krychowiak.
Dans une enquête de l’Observatoire CIES du football, on pouvait voir que la Pologne est le 41 pays ‘exportateur de joueurs’ avec 84 joueurs expatriés loin des 781 Français, des 460 Serbes, des 232 Hollandais. Ce qui est étonnant, c’est de constater que la Pologne et ses 38 millions d’habitants exporte moins que la Serbie (7 millions d’habitants) l’Uruguay (un peu plus de 3 millions d’hab.) la Croatie (4 millions d’hab.) Marque incontestable du fait que la Pologne n’est pas une terre de foot…
Manque de titres et absence de la scène européennes
Si les nations de football brillent par leurs joueurs qui évoluent sur les terrains du monde entier, elles scintillent aussi par leurs palmarès, leurs titres ou grandes épopées. Les Pays-Bas ont leurs épopées en Coupe du monde (1974-1978 et 2010) leur Euro 1988, l’Ajax Amsterdam, le PSV et le Feyenoord et leurs nombreuses coupes européennes. La Pologne n’a aucun titre majeur. Le temps semble s’être arrêté dans les années 1970 avec le titre olympique de 1972 et la troisième place à la Coupe du monde de 1974 (on considère à peine celle de 1982). Entre temps, une traversée du désert : absences aux coupes du monde 1990, 1994, 1998, 2010 et 2014 et il a fallu attendre l’Euro 2008 pour une première participation (avec le résultat que l’on connaît cette année-là d’ailleurs…) Les clubs polonais sont de plus absents des coupes européennes. Cette année encore, dès le mois d’août, il n’y avait plus un seul d’Ekstraklasa sur la scène européenne. Seules « épopées » significatives ces dernières années, le Wisla qui atteignait les 1/8èmes de finale lors de l’édition 2003 de la Coupe UEFA (avec des matchs de grande qualité contre Parme, la Lazio ou Schalke 04), la saison 2010-2011 où le Lech Poznan sortait de son groupe d’Europa league où figuraient aussi la Juventus de Turin et Manchester city et la participation du Legia à la phase de poule de la Champion’s league 2016-2017.
En ce qui concerne l’équipe nationale, seule le 1/4 de finale lors de l’Euro 2016 est à garder. Cette année-là, avec un peu plus de chance et de réussite, la Pologne aurait vraiment pu aller au bout de la compétition et remporter un premier titre important dans son histoire. En attendant, toujours rien à inscrire dans la case palmarès…

Un commentaire