Krakow klezmer band

Pendant des siècles Cracovie a été un lieu important de la culture juive en Europe centrale et plus exactement, le quartier de Kazimierz où vivaient plusieurs dizaines de milliers de juifs. Aujourd’hui encore, en se promenant dans le quartier, on voit de nombreuses marques de la présence passée des juifs dans un quartier qui n’en compte plus beaucoup désormais. Au hasard des rues, on peut tomber sur la synagogue Remuh et son vieux cimetière ou entendre des airs de klezmer sortir d’un bar tendance (Kazimierz est devenu le quartier tendance-bobo de Cracovie) En revanche, plus de traces des deux grands clubs juifs de la ville le Makkabi Kraków et le Jutrzenka Kraków.
C’est d’abord le Makkabi Cracovie qui voit le jour en 1909 et évoluait sur un terrain situé au pied du chateau Wawel qui existe encore aujourd’hui mais qui appartient désormais au Club omnisports Nadwiślan Kraków qui abrite aussi les cours de tennis des sœurs Radwanska (Urzula et Agnieszka). Le Makkabi Cracovie s’inscrivait alors dans une ligne politique sioniste. C’est en opposition à ce courant que va se créer l’autre club juif de la ville un an plus tard : le Jutrzenka qui va regrouper des juifs politiquement proches du parti socialiste laïque, le Bund (ou Union générale des travailleurs juifs de Pologne).

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En décembre 1919, les bases d’un premier championnat polonais de foot sont posées. Le pays est footballistiquement divisé en cinq districts : Lviv, Poznan, Varsovie, Lodz et bien entendu Cracovie. Au sein de ces villes, différents clubs s’affrontent et le premier gagne le droit d’aller représenter son district dans le championnat national. A Cracovie, c’est le Wisla, le Cracovia, Jutrzenka Kraków et le Makkabi Kraków qui s’affrontent. Les joueurs du Cracovia terminent en tête et gagnent le droit d’aller jouer le championnat national en compagnie des vainqueurs des autres districts : le Warta Poznan, le Polonia Varsovie, le Pogon Lviv, et le LKS Lodz. Au terme de ce championnat, c’est d’ailleurs le Cracovia qui termine en tête entre autre, grace à son meilleur buteur de ce premier championnat : Jozef Kaluza (nom de la rue du stade et siège du Cracovia).

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L’année suivante, les joueurs du Cracovia ont encore le droit de jouer le championnat national terminant facile leader du district de Cracovie devant le Makkabi. Les années se suivent et se ressemblent, c’est soit le Cracovia soit le Wisla qui représente la ville au plus haut niveau. Il faut attendre 1927, pour voir le Jutrzenka accompagner le Wisla dans l’élite. A l’origine, le Cracovia devait accompagner le Wisla, mais suite à un obscure conflit avec les instances, c’est le Jutrzenka qui prenait la place du Cracovia. Ce choix s’est peut-être fait car le Jutrzenka était très proche ‘géographiquement’ du Cracovia (basé juste en face le stade du Cracovia, là où se trouve le Wisla aujourd’hui). Mais aussi car il existait une proximité et une alliance tacite entre le Cracovia et le Jutrzenka. Les deux clubs se rejoignaient idéologiquement et partageaient des valeurs communes d’universalisme, de démocratie et de tolérance. Le Cracovia était une équipe ouverte à toutes les communautés. Quelque soit sa classe sociale, sa religion ou sa nationalité, tout le monde pouvait jouer pour le Cracovia. C’est comme cela que dès les années 1920, des Autrichiens, des Hongrois, des Tchèques et des Juifs évoluent sous les couleurs du Cracovia. A l’image de Ludwik Gintel, meilleur buteur du championnat en 1928, qui débuta sa carrière en 1911 au Jutrzenka avant d’arriver au Cracovia en 1916 où il jouera jusqu’en 1930, connaissant 12 sélections en équipe nationale entre 1921 et 1925 et participant aux Jeux olympiques de Paris en 1924 avec les rouges et blancs.

Les années sombres

Dès la fin des années 1930 les ségrégations, agressions contre les juifs se multiplient en Pologne. Le monde du football va aussi être touché par cette vague antisémite. Un numerus Nullus ou interdiction totale de Juifs dans les clubs est prôné. Le Wisla Cracovie interdit l’adhésion à tout non-Polonais (sous entendu interdit aux juifs). En 1937-1938, les dirigeants du Warta Poznan déposent une requête visant l’exclusion des arbitres et des joueurs non-chrétiens des clubs de football. Les dirigeants du Pogoń Lwów, du ŁKS Łódź et du Cracovia font face et s’opposent à ces demandes. Ainsi, le Cracovia ne respectera pas les recommandations antisémites et durant la saison 1938 les arbitres feront preuve de laxisme face au jeu brutal exercé sur les joueurs du Cracovia qui seront sifflés tout au long de cet exercice.
Manuel Rympel dans son livre « Kopiec wspomnień » évoquait ce lien entre Cracovia et communauté juive : « Il est entendu que parmi les enfants et les jeunes juifs, le Cracovia jouissait d’une affection particulière comme un club qui ouvert à tous, ne faisant aucune restriction religieuse ou ethnique […] »
Aujourd’hui encore, un groupe d’ultras du Cracovia se nomme je Jude gang (gang juif) et des groupes de supporters ennemis n’hésitent pas à lancer des insultes antisémites à l’encontre des blancs et rouges du Cracovia.

Jozef Klotz – Premier buteur polonais en équipe nationale

Et si les clubs juifs de Cracovie ont disparu, ils ont laissé une trace dans l’histoire du football polonais à l’image de Jozef Klotz.
Jozef Klotz est un fils de cordonnier qui voit le jour en même temps qu’un siècle nouveau, le 2 janvier 1900. Comme ses parents et comme des dizaines de milliers d’autres habitants de Cracovie à cette époque, il est juif. Dès l’enfance, Klotz se passionne pour le football et évolue dès l’âge de dix ans au sein du Jutrzenka Cracovie où il restera jusqu’à ses vingt-cinq ans. En mai 1922, Jozef Klotz est convoqué dans une sélection nationale polonaise qui en est encore à ses débuts pour jouer deux rencontres amicales. Lors du premier match de l’histoire de la sélection à domicile qui se déroule le 14 mai à Cracovie devant près de 15.000 spectateurs, la sélection polonaise s’incline face aux Hongrois (3-0). Le second match se déroule le 28 mai à Stockholm face à la Suède. A la 27ème minute de jeu, l’arbitre siffle un penalty en faveur des Polonais. Klotz, le jeune défenseur de 22 ans frappe et marque … le premier but de l’histoire de la sélection polonaise. Dans ce même match, Jozef Garbień inscrira le second but de l’histoire de la sélection et offrira la première victoire de l’histoire de la sélection Polonaise (2-1).
En 1925, Klotz va quitter Cracovie pour rejoindre un autre club juif basé à Varsovie, le Makkabi Warszawa où il évoluera jusqu’en 1930. Pris dans les tourments de la guerre, Jozef Klotz sera enfermé dans le ghetto de Varsovie et assassiné par un nazi en 1941.

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